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VIDÉOS - Le 6 janvier 1969 un jeune journaliste réussit le tour de force d'organiser une rencontre entre ces trois poètes de la chanson française. Près un demi-siècle plus tard, un documentaire sur les coulisses de l'événement vient de sortir en coffret DVD (Universal). Son auteur, Sandrine Dumarais, s'est confiée au Figaro.

La photo qui réunit Brassens, Brel et Ferré est pratiquement aussi célèbre que le Baiser de l'hôtel de ville de Doisneau et le portrait de Che Guevarra d'Alberto Korda... Mais l'histoire de cette rencontre, unique, est moins connue du grand public.

L'idée de faire asseoir les trois grands poètes de la chanson française pour discuter autour d'une table revient à François-René Cristiani. En 1969, il n'est encore qu'un jeune journaliste débutant. Pour épater Philippe Koechlin, le rédacteur en chef de Rock & Folk, il lui propose d'interviewer simultanément Brassens, Brel et Ferré. Le patron du magazine musical y croit et lui dit: «Banco!»

Le 6 janvier 1969, l'irréalisable ne l'est plus. C'est autour d'une table de salon dans un appartement du VIe arrondissement, et non dans une station de radio comme on le croit généralement, que les trois chanteurs se retrouvent. Le photographe Jean-Pierre Leloir les immortalise.

L'imprévisible scoop fait la une du journal Rock & Folk

Georges Brassens prend le premier la parole en s'adressant, avec son ton inimitable et rassurant, à l'astucieux entremetteur: «Vous êtes le seul à avoir réussi ce tour de force.» En effet, l'exploit n'est pas mince car chacun sait que les trois hommes ne raffolent pas des trompettes de la renommée.

Durant plus d'une heure, la conversation, adroitement menée par Cristiani, abordera tous les sujets: la poésie, la chanson, les femmes, l'amour, la publicité, la solitude, la mort, l'anarchie et même les Beatles... Le n° 25 de Rock & Folk publie en février 1969 Trois hommes dans un salon. L'imprévisible scoop fait la une du journal.

Près d'un demi-siècle plus tard, la réalisatrice Sandrine Dumarais a voulu revenir sur cette rencontre au sommet en réalisant un passionnant documentaire, Trois Hommes sur la photo. Ce travail a été réuni dans un coffret Universal de 4CD et 1 DVD, Brel, Ferré, Brassens, Trois Hommes sur la photo. Il comprend leurs plus belles chansons, l'enregistrement intégral de l'interview, et le documentaire de Sandrine Dumarais avec les témoignages de Juliette Gréco, Jacques Higelin, François-René Cristiani. Le Figaro l'a rencontrée.

LE FIGARO. - Pourquoi vous êtes-vous passionnée pour cette rencontre qui a eu lieu deux ans avant votre naissance?

Sandrine DUMARAIS. - Je crois que c'est la photo qui m'a d'abord intriguée. Savez-vous qu'elle est encore l'une des plus vendues en France? On la trouve même sous forme de poster un peu partout dans le monde. Et puis il y a l'histoire incroyable de ce scoop. Comment rassembler le même jour et à la même heure trois gars considérés, peut-être à tort, comme des ours?

Comment un jeune journaliste a-t-il réussi ce que Brassens lui-même appelle «un tour de force»?

C'est la fougue de la jeunesse qui donne à François-René Cristiani cette force. Il part à l'assaut avec la chance du débutant au poker. La chance va lui sourire. Léo Ferré a envie de connaître mieux ses deux confrères. Très vite pendant la conversation, il dira sa joie d'être avec «deux copains».

«On leur demande ce qu'ils feraient devant un mur. Brel le défonce, Ferré le contourne et Brassens réfléchit. Puis Brel dit: «ce qui est sûr ce qu'on veut tous savoir ce qu'il y a derrière!».

Sandrine Dumarais

Est-ce que les trois chanteurs sont à leur aise dans ce petit salon face à des micros?

Oui. Parce qu'ils se sentent entre eux. Brel et Brassens se connaissent très bien. Ferré est immédiatement adopté. Les deux premiers l'ont déjà croisé dans des galas. Ils appartiennent à la même famille. Et puis, outre leur talent, ils ont un autre point commun: ils ne savent ce qu'est le politiquement correct.

De quoi parlent-ils? De philosophie, de politique, d'amour...?

De tout et de rien. Ce n'est pas prétentieux et c'est ce qui fait le sel de leurs discussions. Chacun y prend part avec son caractère. Brel est timide et parfois véhément. Ferré est spontané et dans l'empathie. Brassens se méfie de toutes les généralités. Un passage succulent résume leur approche. On leur demande ce qu'ils feraient devant un mur. Brel le défonce, Ferré le contourne et Brassens réfléchit. Puis Brel se reprend et dit: «ce qui est sûr ce qu'on veut tous savoir ce qu'il y a derrière!».

Au début de l'entretien, les trois chanteurs refusent d'être pris pour des poètes. N'est-ce pas de la fausse modestie?

Non, ils ont de la distance. Ils se pensent, avec des nuances, des artisans. Brassens fait même une démonstration assez brillante sur la différence entre la poésie pure et l'écriture chantée. Leur génie, c'est leurs chansons. Brel est Don Quichotte, Brassens est un copain d'abord et Ferré est une formidable Graine d'ananar.

 

Tag(s) : #Francophonie, #Le Français Par la Chanson
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