Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Le Québec, cette province francophone de l’Est du Canada, accueille, chaque année, des dizaines de milliers de migrants venues des quatre coins de la planète, a choisi la voie de la laïcité ouverte et semble refuser d’être pris de court par ce débat sur la place de la religion sur la scène politique et scolaire qui met à mal de nombreux pays occidentaux.

Le gouvernement de Jean Charest a opté, en 2010, pour une application « diluée » du principe de la laïcité par l’introduction d’«accommodements religieux dans la sphère publique ». Désormais, ce ne sont plus les signes religieux qui sont explicitement désignés par la loi mais les répercussions du port de ces derniers sur, par exemple, la sécurité des citoyens. « La loi impose à toute personne qui reçoit des services de l'État de le faire à visage découvert. Il dicte aussi à tout employé de l'État de travailler à visage découvert. Ainsi, le port des signes religieux comme le niqab et la burqa, qui couvrent le visage sauf les yeux, sera banni dans l'administration publique, les hôpitaux et les établissements d'enseignement, y compris les écoles privées confessionnelles qui sont soutenues par l'État, ainsi que les centres de la petite enfance et les garderies subventionnées. En revanche, le port des autres signes religieux ostentatoires, comme la croix, le hidjab, le kippa et le turban est permis, même pour les magistrats et les policiers »[1].

Toutefois, ce projet de loi ne fait pas l’unanimité aussi bien chez la classe politique que parmi les citoyens de divers horizons. Certains pensent que le port des symboles religieux dans les établissements scolaires ou par les personnes employées de l’Etat ne remet nullement en question le principe de la laïcité et la neutralité des institutions québécoises.

D’autres en revanche ne vont pas par trente-six chemins pour fustiger le projet Charest et réclament une application de « la laïcité tout court ». Parmi ces chantres de « la laïcité tout court » on retrouve Les Intellectuels pour la Laïcité qui ont lancé récemment une pétition dans ce sens. « Loin d’être une négation du pluralisme, la laïcité en est l’essentielle condition. Elle est la seule voie d’un traitement égal et juste de toutes les convictions parce qu’elle n’en favorise ni n’en accommode aucune, pas plus l’athéisme que la foi religieuse. Le pluralisme ainsi entendu n’est ni celui des minorités, ni celui de la majorité. Elle est aussi une condition essentielle à l’égalité entre hommes et femmes », peut-on lire dans leur déclaration mise en ligne sur des sites internet. Ou encore : « La laïcité dite «ouverte», par contre, s’avère être en pratique une négation de la laïcité de l’État puisqu'elle permet toute forme d’accommodement des institutions publiques avec une religion ou une autre. Elle ne respecte donc pas les principes structurants de la laïcité qui sont la séparation du religieux et de l’État et la neutralité de ce dernier. Les aménagements de cette laïcité «ouverte» convergent avec les objectifs des groupes religieux conservateurs qui cherchent à faire prévaloir leurs principes sur les lois en vigueur. Au mieux, c’est un mode de gestion au cas par cas de la liberté de religion dans la sphère publique, favorisant l’arbitraire, mais ce n’est certainement pas une théorie de la laïcité de l’État ».

En effet, l’observateur le plus neutre soupçonnerait dans ce projet de loi de laïcité non seulement une remise en question de la laïcité qui est le seul garant du respect du pluralisme mais aussi manière détournée pour certains religieux de maintenir des passe-droits dans les sphères du pouvoir. Le qualificatif « ouverte » mérite aussi d’être interrogé. Cela sous-entend que cette laïcité est ouverte à la religion de l’« autre ». Or la laïcité tout court est plus respectueuse des libertés religieuses dans la mesure où elle n’établit pas de ségrégation entre les confessions.

Par ailleurs, si sur un plan théorique, les choses sont claires, la mise en application de la laïcité n’est pas une sinécure. En effet, combien de gendarmes, d’inspecteurs de police, de commissaires, etc. faut-il pour s’assurer que la laïcité soit respectée intégralement et toujours ? Que fera un instituteur ou un responsable d’une école devant un ou des élèves qui portent une chaine et une petite croix comme le font des milliers d’insouciants et d’artistes qui n’en savent même pas toujours la signification ? De même pour n’importe quel autre signe religieux.

Karim Kherbouche

[1] Robert Dutrisac, Québec choisit la laïcité ouverte, article paru sur le site Ledevoir.com, le 25 mars 2010.

Tag(s) : #Philosophie
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :